Avec quelques petits points de plus …

La formation était intitulée :  « Comment évaluer ? Quoi évaluer ? ».

Le formateur arriva un paquet de copies sous le bras. Allions-nous assister en direct à une correction-type ? Non, nous allions nous-mêmes nous pencher sur les copies de ses élèves et les évaluer. Mais la tâche ne s’arrêtait pas là : il nous fallait élaborer une grille d’évaluation unique pour l’ensemble des correcteurs. Il nous fallut un certain temps pour nous organiser en petits groupes, élaborer notre grille d’évaluation et notre barème, mettre en commun nos idées et ajuster nos exigences. Pendant tout ce temps, le formateur resta en retrait tout en apportant son aide sur demande. Il nous avait seulement précisé ses objectifs sur ce devoir de rédaction, niveau 3ème, qui représentait l’évaluation sommative de sa séquence pédagogique.

Les règles de correction étaient claires pour tous. Une même copie devait passer entre les mains de 5 correcteurs différents. Chacun détaillait sur sa grille – et non sur la copie – ses corrections, ses observations, ses points pour arriver à une note finale et une appréciation générale. Nous ne pouvions pas échanger entre nous. Chacun devait assumer seul son évaluation et pouvoir justifier de sa note en s’appuyant sur les critères communs à tous.

A la fin du temps de correction, le formateur projeta un tableau récapitulatif et demanda, pour chaque copie, la note de chacun des correcteurs et son appréciation générale. Premier constat : rares étaient les copies à avoir obtenu 5 notes identiques. Deuxième constat : certaines copies révélaient de grandes disparités entre les différentes notes. Une copie en particulier, sortie du lot, donnait lieu à un écart de 5 points entre les différents correcteurs. Le formateur s’empressa de préciser qu’il n’y avait pas de « bon correcteur », ni de « mauvais correcteur » et que chacune des notes qu’il avait reçue était parfaitement justifiée, et donc recevable. Le niveau de stress chuta d’un coup.

Mais, il nous fallait aller plus loin dans l’analyse : comment, à partir d’un même barème, pouvions-nous avoir un tel écart de note sur une même copie ?

Chaque correcteur concerné reprit la parole et repassa en revue chacun des items de sa grille. Leurs différentes interventions nous firent prendre conscience que le correcteur n’est jamais complètement neutre et objectif dans son rôle d’évaluateur. Il pèse le pour et le contre. Il choisit de bonifier tel point ou de sanctionner tel autre. C’est dans cette marge de liberté qu’il définit lui-même ses exigences. La grille lui fournit un cadre à l’intérieur duquel il se déplace en se fiant à sa propre boussole interne. La force de conviction avec laquelle chaque correcteur défendait ses choix nous fit comprendre que la note que l’on donne à l’élève reflète nos propres exigences.

Le formateur se montra satisfait de sa démonstration. Il précisa qu’avant de se poser la question de « Comment évaluer? », il fallait se poser la question de « Quoi évaluer ? ».

J’essaie d’appliquer ce principe quand j’élabore mes évaluations et surtout quand je suis face au choix de bonifier tel point ou de sanctionner tel autre. Je m’en tiens aux critères préalablement définis et clairement annoncés avant l’évaluation. C’est un véritable contrat de confiance qui me lie aux élèves (article : mes critères d’évaluation de l’écrit).

N’oublions pas qu’avec quelques petits points de plus, glanés ici et là au cours de sa scolarité, un élève peut passer au niveau supérieur, obtenir une certification ou un diplôme, décrocher une mention, être accepté dans l’école de son choix, gagner en confiance et estime personnelle.

Avec quelques petits points de plus ou de moins, un élève peut décider de nous suivre ou de décrocher. A nous de placer le curseur entre bienveillance et exigence sans perdre de vue notre destination.

Prochain article : la carte mentale à l’épreuve de l’oral

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