Des élèves en grève

J’étais en tout début de carrière et on m’avait confié une classe de 3ème section européenne à présenter en fin d’année à l’examen du PET de l’Université de Cambridge. Les années précédentes, ce collège affichait 100% de réussite et la pression du résultat et de l’excellence était réelle. Ma conscience professionnelle me réveillait la nuit pour me chuchoter à l’oreille :

« Es-tu sûre d’être assez compétente pour mener ce projet à son terme et obtenir les excellents résultats que l’on attend de toi ? »

Au fur et à mesure que l’année s’écoulait et que l’échéance de l’examen approchait, je perdais le sommeil. En classe, je devenais de plus en plus exigeante quant à la qualité du travail de mes élèves. Je les surchargeais de travail maison et je n’étais jamais entièrement satisfaite de leurs résultats. De ce fait, je ne pensais pas à les encourager et encore moins à les féliciter car j’étais obnubilée par l’idée qu’ils pouvaient faire toujours et encore mieux. Quand ils avaient surmonté l’obstacle, je remontais la barre de mes exigences. Je me mettais régulièrement en colère quand les objectifs n’étaient pas atteints.

Ce qui devait arriver, arriva : le point de rupture fut atteint au second trimestre. La classe toute entière se mit en grève pour protester contre mes exigences démesurées et irréalistes. Après tout, section européenne ou pas, ils n’étaient que des collégiens !

Je fus convoquée dans le bureau du principal en présence des deux élèves délégués et il fut convenu d’une séance de « conciliation » en présence de la  CPE. Je n’oublierai jamais ce face-à-face avec la classe en rébellion. Inutile de préciser que j’avais passé une nuit blanche la veille à ressasser inlassablement mes arguments « de choc ». Mais, à ma grande surprise, grâce sans doute à l’autorité naturelle et la qualité d’écoute de la CPE, les choses se passèrent au mieux. Je fus obligée d’écouter les doléances des uns et des autres. La règle établie était simple : nous étions réunis pour trouver une solution à cette situation de blocage, une fois le diagnostic posé. Au fur et à mesure des interventions, je pris conscience que je m’étais totalement isolée dans ma logique de perfection et que j’avais perdu de vue que j’avais des élèves de 3ème en face de moi et non des spécialistes de ma matière ! J’avais même réussi l’exploit de décourager les meilleurs éléments du groupe. Je fis amende honorable et, à partir de ce jour, je pris l’habitude de ralentir le rythme de cours, d’alléger la charge de travail et d’être moins sévère sur mes notes et appréciations. La classe fut solidaire en constatant que je respectais mes engagements. En juin, le contrat fut rempli : ils réussissent tous l’examen du PET.

Quant à moi, je n’oublierai jamais cette leçon de pédagogie apprise sur le terrain ! Depuis ce jour, j’essaie d’être exigeante sans être tyrannique et de rester réaliste quant aux objectifs que je me fixe et que j’impose à mes élèves. Je suis visiblement moins stressée et par conséquent, je stresse moins mes élèves. L’ambiance de mes classes est plus sereine et nettement plus vivable !

Prochain article : les élèves évaluent mes cours

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