De l’expression orale à l’expression écrite (2)

Du débat à la rédaction d’un texte argumentatif

Cet article fait suite à celui intitulé « de l’expression orale à l’expression écrite (1) » que vous trouverez classé dans les rubriques thématiques Expression orale et Évaluation.

Je suis partie de ce constat d’échec : mes élèves de terminale ont beaucoup de mal à débattre à l’oral et leur rédactions de type argumentatif portent souvent la mention « sujet compris mais traitement plat et superficiel », particulièrement pénalisante en expression écrite au bac selon le barème que nous utilisons.

Comment puis-je les aider à mieux cerner les exigences de la prise de parole en interaction sur un sujet polémique ? Comment les inciter à aller jusqu’au bout de leur argumentation tout en défendant des positions qui ne sont pas forcément les leurs ? Comment les aider à faire le lien entre la qualité d’un débat et la force de conviction d’une argumentation écrite ? Comment les associer à l’élaboration des critères d’évaluation pour les aider à mieux se les approprier ?

Voici quelques-unes des questions que je me suis posées face à ce double défi : faire le lien entre oral et écrit et améliorer ces deux compétences en parallèle autour de l’argumentation.

A la fin d’une séquence thématique consacrée à l’immigration clandestine aux Etats-Unis, le débat constitue la tâche finale à évaluer tant sur la prise en parole en continu qu’en interaction. Chaque élève a un rôle à jouer : il endosse un personnage, une identité, un parcours de vie, une prise de position ancrée dans son vécu. Il définit lui-même son profil en suivant un parcours de recherches individuelles sur Internet. Le débat va confronter quatre personnages différents. Un présentateur va leur laisser une minute au début pour se présenter individuellement et mettre en avant leur prise de position par rapport au sujet traité. Le présentateur est le chef d’orchestre : il fait circuler la parole entre les différents intervenants sans prendre position, il peut demander à un candidat de clarifier ses propos, il fait respecter les règles de savoir-être et les temps de parole. Bien entendu, je propose ce rôle à des élèves qui sont à l’aise à l’oral. Ils se désignent eux-mêmes sur la base du volontariat. Le débat est suivi par quatre examinateurs qui ont reçu comme tâche d’évaluer un des candidats en particulier. Les critères d’évaluation ont été décidé en classe (article : les élèves s’évaluent mutuellement) en posant la question : quelles sont les qualités d’un bon débatteur ?

Voici les 5 critères, notés sur 5, que nous avons retenus après maints échanges : il s’exprime clairement (qualité de la langue et aptitude à communiquer), il défend ses arguments avec des chiffres à l’appui et des exemples concrets, il est capable de nuancer ses propos en prenant en compte les arguments des autres, il est capable de prendre la parole spontanément et d’initier le débat, au final il s’est montré convaincant (temps de parole, richesse de la langue, qualité des arguments, cohérence). Je donne une note globale  sur 5 (global achievement) qui prend en compte l’ensemble de la prestation de chaque candidat.

A la fin des différents débats, la classe vote pour le meilleur débatteur. Celui qui remporte l’adhésion du groupe est souvent l’élève qui a su faire preuve d’une ouverture d’esprit et d’une qualité d’écoute pour être capable de nuancer son point de vue initial au fur et à mesure de la confrontation d’idées tout en restant fidèle à ses principes de base. Je me souviens de cette année de terminale en particulier où le groupe avait voté à l’unanimité pour un élève qui en cours était très effacé et prenait rarement la parole. Ce fut une révélation pour tout le monde… y compris pour l’élève désigné et honoré. Il n’était pas tombé dans le piège de l’arrogance, de la caricature, de la provocation. Il avait su tisser son argumentation au fur et à mesure des interventions de ses camarades et était resté fidèle à ses convictions sans dénigrer celles des autres. Une magnifique démonstration de méthodologie !

A la fin, nous faisons un bilan pour dégager ce que nous avons appris et ce qui peut être réutilisé en expression écrite sur un sujet argumentatif, sans forcément un lien thématique avec le débat.  J’ai compris par expérience que les élèves sont plus aptes à s’approprier des repères méthodologiques quand ils ont eux-mêmes établi les critères d’évaluation en commun. De plus, cet ancrage méthodologique dans le vécu de la classe est essentiel pour tisser des liens entre les élèves, construire l’identité du groupe et gagner l’adhésion de tous. En quelque sorte, les élèves balisent eux-mêmes le chemin qu’ils vont suivre et sont rassurés d’avoir fait le repérage à l’oral avant de se lancer dans la rédaction.

Dans un prochain article je reviendrai sur la préparation du débat en détaillant les différentes étapes que j’ai suivies : recherches individuelles sur le net, travail sur document audio, entraînement à la prise en parole en continu, jeux de rôles mettant en scène différentes situations concrètes de confrontation entre deux personnages.

C’est vrai que lorsque l’on démarre dans le métier, l’organisation d’un débat peut apparaître comme un projet très ambitieux et quelque peu périlleux. Mais la prise de risques est largement récompensée. A vous de le vérifier !

Prochain article : les leviers de la motivation

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