Gérer une crise avec ComColors

Cet article fait suite aux trois articles consacrés au modèle ComColors de Franck Jullien : les diférents types de personnalité, Type de personnalité et motivation, Gérer les conflits avec ComColors que vous trouverez classés dans la rubrique thématique Motivation.

La situation de crise que je vais vous présenter est VRAIE et AUTHENTIQUE. Pour préserver l’anonymat des différents protagonistes impliqués, j’ai modifié le prénom de l’élève, son niveau d’étude et je tairai le nom et la fonction de la personne qui a joué le rôle d’intermédiaire le jour de l’entretien.

Voici la situation de classe à laquelle j’étais confrontée : Fanny, élève de quatrième, a un problème d’absentéisme. Elle est convoquée pour clarifier sa situation et là, elle « craque » et avoue avoir de plus en plus de mal à venir au collège car elle redoute les cours d’anglais. Le professeur donne beaucoup d’importance à l’oral et « elle n’y arrive pas ». Les sketches filmés de fin de séquence sont une source de stress pour elle et elle a fini par en être malade physiquement : maux de ventre, maux de tête à répétition, insomnie … un médecin a diagnostiqué un état de grande détresse et lui a prescrit des calmants.

Cette situation est tout à fait inédite pour moi et j’ai parfaitement conscience de sa gravité et de ses répercussions sur l’ensemble de la scolarité de l’élève. Il m’incombe de trouver une solution sans céder sur mes exigences. Le modèle ComColors va me donner les clés en comprenant le fonctionnement de l’élève grâce à l’identification de son profil de personnalité : profil dominant violet.

Comment vais-je procéder ?

J’abandonne l’idée d’essayer de convaincre Fanny du bien-fondé de ma démarche pédagogique. Dans cette situation de stress extrême, elle affiche clairement son comportement conflictuel : elle n’est plus à l’écoute et ne m’accorde plus sa confiance. Je vais me concentrer sur les faits et analyser, de la manière la plus neutre possible, ce qui peut être déstabilisant dans ma manière de faire cours : celle d’un professeur de profil dominant jaune. Ensuite, je proposerai une solution en lui demandant son accord car elle a besoin que son avis soit pris en compte pour retrouver sa motivation et sortir de cette impasse. Je prépare l’entretien avec un seul et unique objectif en tête : faire en sorte que Fanny soit valorisée et rassurée selon son propre profil de personnalité. Je n’oublie pas mon trousseau de clés ComColors.

Le lendemain, Fanny, très impressionnée par ce face-à-face, a beaucoup de mal à parler sans pleurer, et ce malgré toutes les interventions bienveillantes et rassurantes de la médiatrice. Je propose alors de tirer moi-même chaque ficelle pour dénouer le nœud. Je m’adresse directement à Fanny en ces termes : « Je vais essayer de me mettre à ta place et de détailler ce qui peut te poser problème dans mon cours. Tu n’auras qu’à me dire si ce que je dis est juste ou non et, à partir de là, nous allons essayer de trouver une solution ENSEMBLE qui soit acceptable pour l’une ET l’autre. Es-tu d’accord avec cette démarche ? »

Fanny, le visage baigné de larmes, acquiesce.

Je lui détaille tout ce qui peut poser problème dans mon cours sans essayer de justifier mes choix pédagogiques :

« Premier point : je ne suis pas de manuel scolaire et distribue des photocopies au fur et à mesure de la séquence de cours. Pour toi, l’absence de manuel scolaire est déroutante et déstabilisante. Sans repères, tu n’as pas une vision claire de la progression de mon cours. Deuxième point : je ne fais jamais deux cours sur le même modèle. Ceci est également source de stress pour toi car tu le perçois comme un manque de fiabilité de ma part. Troisième point : j’accorde beaucoup d’importance à l’oral. Or, tu ne peux pas avoir des résultats « parfaits » à l’oral et tu te juges « nulle » quand tu obtiens une note de 13/20 dans cette compétence. Quatrième point : le travail en groupe est également source de stress pour toi. Tu travailles mieux seule car tu es très exigeante quant à la qualité de ton travail. Cinquième point : paralysée par ta peur de l’oral, tu crois pénaliser tout ton groupe sur la note commune de sketch. A ton avis, ce n’est pas juste pour les autres. »

Fanny m’écoute attentivement et confirme chaque point d’un hochement de la tête. Je fais l’effort de rester la plus neutre possible et mon profil secondaire bleu m’est d’un grand secours. J’aborde précisément la situation de crise avec les qualités qui lui sont associées : méthode et rigueur. Je pèse chaque mot pour mieux cibler le profil violet de Fanny, profondément ancré dans ses exigences et ses convictions.

Quelle solution puis-je apporter à cette crise ?

Je propose à Fanny des aménagements dans mon cours qui prennent en compte son état actuel de stress. Voici ce que je lui dis : « Je vais te faire plusieurs propositions et tu me diras ensuite si tu es d’accord ou non. Premièrement, je te remettrai un planning sur trois semaines sur lequel je te détaillerai le programme de chaque séance et le travail à faire d’une séance à l’autre. Deuxièmement, pour le travail oral à faire en groupe, je te propose de le faire autrement, en travail individuel, pour surmonter ton appréhension de l’oral. Je te donnerai des textes à réciter seule en attendant que tu reprennes confiance en toi. Tu me diras quand tu seras prête à réintégrer un groupe. Tu prendras le temps nécessaire. Est-ce que cela te convient ? »

Rassurée, Fanny donne son accord sur les clauses de ce nouveau contrat de travail. Pour conclure l’entretien, j’ajoute qu’aucune de mes convictions pédagogiques ne tient face à sa grande détresse que je peux comprendre et que je respecte. Fanny ose un petit hochement de la tête pour me signifier qu’elle m’a bien entendue. Je l’interprète comme un signe de reconnaissance.

Fanny a réintégré mon cours le jour même. Sans que je lui dise quoique ce soit, elle fera un effort remarqué de participation orale à chaque séance jusqu’au jour … où elle intégrera, de sa propre initiative, un groupe de travail sur un sketch filmé.

Que retenir de cette situation de crise ?

En reconnaissant et respectant la détresse de Fanny face à ma manière « différente » de faire cours, je lui ai donné le temps de l’analyser, de l’évaluer, de la juger et enfin d’y adhérer par sa participation active. Très sincèrement, sans les clés ComColors, je n’aurais pas su comment gérer cette crise avec le recul nécessaire. En effet, il me fallait éviter d’interpréter, à tort, la détresse de Fanny comme une remise en question de mes choix pédagogiques. Je sais que ce jour-là, la personne de l’équipe éducative qui a assisté à notre entretien a été pleinement convaincue des apports du modèle ComColors en milieu scolaire dans la gestion de crise. Depuis ce jour, je veille à bien clarifier ma démarche pédagogique pour rassurer les élèves qui peuvent être, comme Fanny, déstabilisés par ma manière « différente » de faire cours.

Le hasard a voulu que, quelques années plus tard, je retrouve Fanny dans une de mes classes de lycée. Cette deuxième année s’est déroulée en toute sérénité et sans aucun aménagement particulier. J’avais déjà réussi l’examen de passage et gagné la confiance de Fanny dans l’épreuve que nous avions traversée ensemble.

MERCI Fanny pour cette belle leçon de pédagogie !

MERCI Franck pour ce précieux trousseau de clés ComColors !



Prochain article : de l’expression orale à l’expression écrite (1)

 

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